Anaïs Lelièvre, exposition Fluctuat
Du 4 octobre au 30 décembre, la plasticienne Anaïs Lelièvre présente son exposition Fluctuat, imaginée et créée lors de sa résidence au musée à l’automne 2023. S’inspirant de la géologie et de la culture locale, elle a travaillé ses céramiques notamment à partir de poudre et de pierre de lave.
Transformations de la matière par le feu
Depuis plusieurs années, Anaïs Lelièvre multiplie les résidences en France et à l’étranger (Islande, Brésil, Suisse, Grèce, Canada, Portugal…). Les histoires géologiques de ses lieux de résidence nourrissent son travail artistique. Les formes géométriques, les textures de roches ont d’abord inspiré un travail graphique aboutissant à de véritables installations immersives par l’agrandissement et la multiplication d’images. L’observation des paysages par le prisme de la géologie l’a conduite à la céramique, technique qui lui permet de se confronter aux transformations de la matière « par le feu ».
La confrontation troublante entre temps géologique et art contemporain
Son attrait pour les sites marqués par une activité tellurique extraordinaire a motivé sa résidence au musée de la Céramique. Situé tout près du Haut lieu tectonique Chaîne des Puys – faille de Limagne inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, c’est un espace privilégié d’exploration de l’histoire géologique et humaine des territoires. Le musée est implanté dans la Limagne, où le sédiment argileux offre le matériau de l’architecture vernaculaire, le pisé. Il fut à l’origine d’une intense activité céramique à l’époque gallo-romaine, dont le musée conserve les vestiges archéologiques. Au-delà de la faille, les volcans de la Chaîne des Puys offrent des laves largement exploitées pour l’édification des routes, des villes et des villages.
Accompagnée du géologue Charley Merciecca, Anaïs Lelièvre a exploré ce territoire à la géologie singulière, en commençant par mettre en fusion les roches qu’elle y a prélevées. La suite du travail offre au regard une confrontation troublante. D’un côté le bouillonnement de la matière, l’aléatoire des écoulements et solidifications, le temps géologique hors d’échelle pour la vie humaine ; de l’autre la forme moulée et archétypale de la maison, qui s’orne de signes énigmatiques, prémices d’une histoire à construire. Sous leur beauté, ces œuvres interrogent notre ancrage incertain sur les fluctuations de la croûte terrestre.
Une exposition rare qui mêle intimement science et art.
Anaïs Lelièvre, créatrice minérale
Anaïs Lelièvre est diplômée d’un diplôme national supérieur d’expression plastique à l’École d’Art de Rouen et d’un doctorat à l’université Paris 1. Elle a présenté des installations dans de nombreux lieux, comme le FRAC Provence-Alpes-Côte-d’Azur, le musée d’art moderne et contemporain des Sables d’Olonne (MASC), la Cathédrale Saint-Étienne de Cahors ou encore le Centre d’Art du Luxembourg Belge.
Ses œuvres ont notamment intégré les collections du FRAC Picardie, du MASC des Sables d’Olonne et du musée Jenisch en Suisse.
Ces prochains mois, des installations seront également visibles au château de Rentilly (du 20 septembre 2024 au 13 juillet 2025) et au centre d’art L’ar[T]senal à Dreux (jusqu’au 19 janvier 2025). En 2025, des céramiques seront présentées au Centre céramique contemporaine La Borne près de Bourges et au musée national Adrien-Dubouché à Limoges.
Oikos-fluit
« Sa série intitulée Oikos-fluit est ainsi née de multiples cuissons de terres locales (roche sédimentaire marno-argileuse) et de pierre de lave, simplement posées sur des plaques de grès, sans aucun adjuvant. Les résultats obtenus donnent à voir des écoulements qui font autant écho à la lave en fusion jaillissant des volcans d’Auvergne, qu’à l’eau qui occupait la faille de Limagne il y a plus de 30 millions d’années. »
Série Oikos-littera-fluit
« Sur les sculptures de la série Oikos-littera-fluit, les surfaces à la fois géométriques et imparfaites côtoient une face animée de formes plus chaotiques modelées à la main par l’artiste […] : un fourmillement de coulures noires et blanches entremêlées, un réseau très dense de veines minérales. Les effets d’ombre et de lumière qui habituellement aident notre œil à comprendre le volume d’une forme sont ici contredits, perturbés par le surplus de détails, d’irrégularités et l’imbrication des contrastes. […] »
Extraits du texte « Les failles qui parlent, la céramique d’Anaïs Lelièvre », de Jean-Charles Hameau (Conservateur en chef du Patrimoine, musée national Adrien-Dubouché, Limoges).
Version complète dans le catalogue : Anaïs Lelièvre, Littera/Terra, Arles, Éditions Immédiats, Analogues, 2024 (disponible à l’achat à la boutique du musée).